Le grand Hôpital de Jérusalem (1153-1187)
Résumé d’un article d’Alain Beltjens constituant un numéro spécial de la revue "Société de l’Histoire et du Patrimoine de l’Ordre de Malte"
Selon le célèbre chroniqueur Guillaume de Tyr, la construction du grand Hôpital de Jérusalem aurait eu lieu après la ville d’Ascalon par les chrétiens, c’est à dire entre le 19 août 1153 et le printemps 1155 ( époque à laquelle les prélats de Terre Sainte se sont plaints auprès du papa Adrien IV des Hospitaliers et notamment de la construction de ce grand hôpital ).
La transcription du récit d’un Clerc anonyme ( retrouvée dans un manuscrit conservé à Munich sous le cote Clm 4620 ) fournit un témoignage capital sur la vie au sein du grand hôpital, y ayant vécu lui-même un certain temps. Les écrits de Guillaume de Tyr et de Jean de Würzburg, un autre clerc qui à visité les lieux entre 1165 et 1170, viennent confirmer ce récit et précisent certains points inéressants.
Outre la description et le positionnement précis des bâtiments, l’on apprend que si les Hospitaliers refusaient aux lépreux l’accès de leurs locaux, ils accueillaient en revanche tous les autres malades, qu’ils fussent juifs ou musulmans. Tous les malades, y compris les nobles désargentés ou non étaient reçus gratuitement dans l’Hôpital. Seuls les commerçants et ceux qui le voulaient payaient leur séjour.
Les frêres offraient aux malades tout ce qui était susceptible d’améliorer leur état et notamment des régimes alimentaire variés ( dont le détail est donné ), le remplacement des mets peu appréciés par d’autres ( il y avait deux cuisines ), l’utilisation des vertus des pierres et des plantes, le réconfort spirituel, la présence de "Minuteurs" qui saignaient quotidiennement les malades, de médecins extérieurs à l’Ordre mais néanmoins salariés de l’hôpital ou encore de mercenaires payés à assurer la garde nocturne des malades.
Selon Jean de Würzburg, l’on dispensait également une infinité d’aumônes aux aux pauvres qui cherchaient du pain de porte en porte.
L’Hôpital de Jérusalem était divisé en deux "xenodochia" (désignation Grecque pour hôpital, hospice), l’un destiné aux hommes et l’autre aux femmes.
Le personnel soignant était nombreux : Chez les hommes, il y avait le frère Hospitalier, onze frères chefs de salle assistés chacun de douze clients, des "Minuteurs", quatre médecins, des chirurgiens, des frères laïques ou clercs, des nobles bénévoles, des mercenaires payés à assurer la garde nocturne des malades.
Comme on appliquait aux femmes les même rêgles qu’aux hommes, on peut supposer qu’elles bénéficiaient des mêmes avantages et donc d’un personnel équivalent, les frères étant remplacés par des soeurs.
Il y avait au total deux mille malades ( avec plus de 50 décès par nuit, aussitôt remplacés par de nouveaux arrivants ) ce qui fait environs dix soignants par malade et un médecin pour 250... En cas d’afflux exceptionnel, on pouvait doubler le nombre de lits, les frères et les soeurs de l’ordre abandonnant le leur aux patients.
Jean de Würzburg dénonce l’énorme coût financier de cette organisation, les administrateurs eux-même ingnorant le montant exact des sommes consacrées aux activités charitable. Guillaume de Tyr se dit, lui, scandalisé par le luxe et la splendeur des locaux qu’il estime même, par leur démesure, faire ombrage au Saint Sépulcre.
Un pélerin allemand, Théodoric, qui visite les lieux entre 1169 et 1172, s’extasie devant les nombreux édifices que compte l’institution ainsi que sur la quantité de lits, d’aliments, de provisions et d’objets de touts sortes qui garnissent les locaux. Il remarque qu’ aucun Roi n’aurait les moyens de venir en aide à tous ceux que l’Hôpital entetient quotidiennement. Il explique que les ressources proviennent non seulement des terres qu’ils possèdent à l’étranger, mais également des cités et des domaines agricoles ( champs, vignobles ) situées en Judée dont ils se sont emparés.
Il précise que ces divers possessions permettent également à ces moines-chevaliers de truffer la région de soldats et de châteaux solidements fortifiés pour défendre le royaume de Jérusalem contre les païens. Jean de Würzburg confirme dans ses écrits que l’Hôpital entretenait à des dépens de nombreux militaires qu’il répartissait dans ses châteaux pour défendre les terres appartenant aux chrétiens contre les incursions des Sarrasins.
Près des champs de bataille, les frères montaient des tentes où des chirurgiens soignaient les blessés chrétiens. Les Hospitaliers assuraient également le transport vers l’hôpital de Jérusalem des malades et des blessés qui ne pouvaient se déplacer par leurs propres forces, tandis que les frères chevaliers n’hésitaient pas à prêter leurs montures aux infirmes, tout en poursuivant leur route à pieds.
La prise de Jérusalem par Saladin le 02 Octobre 1187 signifiera la fin du grand Hôpital dans lequel une dizaine d’Hospitaliers ont néanmoins été autorisés par le Sultan à prolonger leur séjour d’un an pour y garder les malades et les blessés.