Chape à penne
On trouve le terme penna en vieil occitan, signifiant fourrure. Le mot n’est d’ailleurs pas circonscrit au sud de l’Europe puisqu’il existe également dans le monde anglo-normand par exemple. On s’en sert souvent en relation avec des vêtements de protection du style manteau. Selon les idiomes, on trouve penne, panne, pane, pene.
Je viens de découvrir, tout récemment, que le terme d’esclavine semble pouvoir être utilisé pour un tel vêtement [1].
Pour la forme, je me suis inspiré de représentations de bergers, qu’on trouve assez fréquemment dans les Bibles. Apparemment ce type de vêtement existe du nord au sud de l’Europe, car il est dessiné dans des manuscrits ou sculpté un peu partout : Allemagne, France, Espagne, Angleterre. Sa longueur varie aussi grandement, il semble même qu’il n’ait pas toujours de capuche ou puisse être ouvert devant. J’ai opté pour une forme un peu longue, pas très ample, avec une belle capuche.
D’un point de vue pratique, j’ai récupéré un vieux manteau en poil de chèvre, à poils longs (image 8) pour me rapprocher de ce qui semble être la formule la plus proche visuellement des images médiévales. J’avais réfléchi à de la peau de mouton mais le résultat visuel ne m’a pas paru convaincant. C’est lui qui a limité l’ampleur de la chape, une fois démonté et réassemblé. Les coutures de la peau ont été réalisées à la machine, vu que de toute façon, elle a été travaillée de façon "fourreur", c’est-à-dire coupée en lamelles puis entièrement recousue. Vu que je n’étais sûr du résultat si je le faisais à la main, j’ai préféré jouer la sécurité.
Ensuite la chape a été doublée avec une grosse toile de laine grise, de couleur naturelle. J’ai fait une sorte de revers autour du visage, similaire à ce qu’on peut observer sur la miniature de la "Passion de saint Valentin" (image 3). Cela permet d’avoir une ouverture qui reste bien ronde, comme sur les illustrations en général (et c’est plus confortable à porter).
Bien que ce ne soit pas toujours le cas, on voit que pour deux personnages représentés assis, la chape leur couvre bien le torse malgré le fait qu’ils aient leur main en-dehors du vêtement (images 1 et 4). J’ai donc choisi de réaliser deux fichets, qui sont diamétralement opposés à droite et à gauche, pour pouvoir passer mes bras. J’avais peur que cela laisse passer le froid mais à l’usage, il n’en est rien.
Je l’ai essayée dans la neige en hiver et je pense qu’avec une tel vêtement, on peut effectivement rester sans trop bouger (comme un berger) même avec une météo pas très clémente (sans parler de neige obligatoirement). Les poils de la peau font déperler naturellement l’eau (et les boules de neige). Et l’ensemble est très chaud.
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[1] C’est Marie-Thérèse Lorcin qui cite le terme, à cause de l’expression "velu comme une esclavine" qu’elle a trouvé dans les textes de fabliaux. Elle ne donne pas la référence précise : Marie-Thérèse Lorcin, « Des paysans retrouvés : les vilains du XIIIe siècle d’après quelques textes en langue d’oïl », Cahiers d’histoire [En ligne], 45-2 | 2000, mis en ligne le 13 mai 2009, Consulté le 11 février 2010. URL : http://ch.revues.org/index207.html, vers la note 6
images
Image 2 924 x 1376 px 588.1 ko Saint Edmund nourrissant les Affamés, Vie de St Edmund 1125-1150, Pierpont Morgan Library, NY |
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Image 3 176 x 221 px 39.4 ko Détail d’une miniature de la "Passion de saint Valentin", BM d’Angers, ms. 807, f. 085v |
Image 4 340 x 274 px 70.2 ko Détail d’une miniature représentant le mois de Janvier, Psautier de Henri le Lion, ms Landsowne 381,Allemagne, entre 1168 et 1189 |
Image 5 119 x 261 px 22.8 ko Miniatures de la vie du Christ. France, peut-être Corbie, v. 1175, Pierpont Morgan Library, Ms. M44, f. 2v |
Image 7 141 x 246 px 26.7 ko Détail de l’Annonce aux bergers, Psautier de Winchester, Angleterre, entre 1121 et 1161, British Library, Cott. Nero C IV, f.11 |
Le résultat 417 x 600 px 52 ko Avec une crosse similaire aux formes et aux longueurs des mêmes manuscrits qui ont servi à l’élaboration de la chape |