Spécificités militaires des Francs en Terre Sainte
Aspect équestre
A travers les sources, notamment la plus éclairante d’entre elles concernant la Terre sainte, c’est à dire la « Règle du Temple », on relève six types de chevaux qui furent utilisés par les croisés ou les combattants des états latins d’Orient (1) :
le Destrier ou cheval de Guerre (Dextrarius)
le Palefroi (Paraveredum)
la Mule de selle
le Sommier ou Cheval de Bât (Summarius)
le Roncin (Roncinus)
La plupart des chevaux sont importés d’occident avec les croisés, Le plus souvent par voie de terre mais aussi via le transport maritime à partir de Gênes, Venise et Pise (les ports les plus dynamiques de la fin du XIIème siècle).
Les Ãtats Latins d’orient importent également une partie de leur cavalerie, possèdent des fermes d’élevage et utilisent très largement les races locales (que nous pouvons désigner sous le vocable générique de « cheval oriental », qui regroupe les ancêtres des races actuelles comme l’arabe, le barbe ou l’akhal téké par exemple).
L’importation par mer de chevaux apporte d’ailleurs un témoignage important sur leur taille (sujet assez souvent abordé). Les rapports sur la construction des navires nous enseigne que les portes avant permettant le débarquement des animaux et les stalles intérieures permettant le transport étaient conçues pour des animaux d’une taille moyenne de 150 à 160 cm au garrot. Cette donnée est plausible, car elle corrobore les sources archéologiques ossuaires. Les bateaux qu’on employait alors permettaient le transport d’une vingtaine de chevaux en moyenne par navire (2).
Les Orientaux ont nommé le Destrier franc « Afrendji » (3). La monture de guerre des Occidentaux n’était pas très adaptée au climat du Levant. On enregistre un fort taux de mortalité parmi les chevaux de guerre dû aux maladies auxquelles ils n’arrivent pas à résister. Les tradition bédouine et turque disent de ne pas trop nourrir les chevaux pour les rendre plus résistants. On rapporte que les chevaux turcs pouvaient galoper longtemps à grande vitesse. Cette faculté est étrangère à la cavalerie Franque. Cette faculté des races orientales à l’endurance leur vient d’une faculté spéciale à dilater leur naseaux et de la structure même de leur fibre musculaire.
Concernant la haute mortalité des cavaleries franques en Terre Sainte, une anecdote intéressante nous est relatée par un qadi de Saladin qui revenait de Jaffa oÙ il avait rencontré Richard Coeur de Lion.
Sa mission diplomatique était d’aller offrir des fruits au souverain Franc. Il put approcher Richard et s’empressa d’évaluer les forces présentes dans la ville... Il dénombra 300 chevaliers environ dont la plupart d’entre eux montaient des mules ! Le manque de monture oblige parfois également à utiliser des chameaux ou des dromadaires.
Les « Miles » Francs ne montent comme Destrier que des entiers. Les chroniqueurs Orientaux ont noté les problèmes qui’ls rencontraient avec les étalons. Usmah Ibn Munqidh (1095-1188) dans ses mémoires témoigne qu’il fut le témoin d’un combat entre deux étalons qui continuèrent de combattre une fois qu’ils eurent désarçonné leurs cavaliers.
Au contact des peuples musulmans les Francs vont découvrir d’autres équitations. Sans rentrer dans les détails, au sein du monde musulman cohabite au XIIème siècle trois types d’équitations plus ou moins liées. On trouve la tradition équestre « turco-mongole », l’équitation bédouine et la persane. Les Latins du Levant et les croisés ont été influencés à n’en pas douter par ces styles de monte. Les Chevaux Orientaux (on ne parle pas encore de race à cette époque) sont très prisés. On les qualifie souvent de chevaux de « grande valeur » dans les chroniques.
Concernant la modification des habitudes de monte des Occidentaux et des Poulains (francs nés en Terre Sainte), la Règle du Temple nous apporte une indication très intéressante. La selle de guerre était réservée à l’usage unique des combats et encore fallait-il avoir l’autorisation de l’utiliser. Le reste du temps, pour les chevauchées dite ordinaires- la règle imposait l’usage de la « selle turc » . Doit on y voir l’adoption via son équipement de techniques équestres orientales ? Je pense que oui. La selle turque ne positionne pas la jambe aussi en avant que la selle occidentale. Les pommeaux et troussequins sont peu enveloppants, et surtout on est assis sur un siège en suspension (cette selle permet aussi de se retourner pour pouvoir tirer à l’arc vers l’arrière).
David Nicolle affirme dans « The Crusades » que les croisés et les Poulains utilisaient parfois les techniques de razzia bédouine. Pour se faire, ils composaient une troupe restreinte de cavaliers très légèrement armé. Cette technique servait a voler du bétail ou des vivres en cas de campagnes.
Références : (1)La règle définit les montures présentes dans les caravanes templières, « La règle du temple », la société de l’histoire de France, par Henri de Curson, Librairie Renouard, Paris, 1186, règle 78 (2)« The medieval warhorse from byzantium to crusades » - Ann Hyland ; p144-145 (3)« The medieval warhorse from byzantium to crusades » - Ann Hyland ; p140.
Bibliographie « The Crusade » - D. Nicolle « The medieval warhorse from byzantium to crusades » - Ann Hyland « Arms and armors of the crusading area 1050 - 1350 » - D. Nicolle « Saracen Faris » - D. Nicolle « Chevaux et Cavaliers arabes dans les arts d’orient et d’occident » - catalogue d’exposition - collectif d’auteurs
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caravane de la reine de Saba 2424 x 1494 px 250.5 ko (vision d’orient) Cette gravure est tirée du Hortus deliciarum datant de la fin XIIème s.(XI quart I) Oberlin strasbourg 1945 Il represente une caravane en Orient. On peut y voir l’usage du dromadaire comme bête de somme. |
Conduite des captifs 1170 x 725 px 77.3 ko Il s’agit ici de la conduite de captifs à cheval après un pillage[Hortus deliciarum fin XIIème (XI quart I) Oberlin strasbourg 1945] |
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Combat de Josué 1209 x 812 px 65.7 ko Hortus deliciarum datant de la fin XIIème s.(XI quart I) Oberlin strasbourg 1945 |